Sourde depuis la naissance, Lucie Wetzel est la présidente de l’Association pour la promotion de la langue des signes (APLS) de Chalon-sur-Saône. Elle milite pour la création d’une licence autour du métier d’intermédiateur. Un métier proche de celui d’interprète en langue des signes à une différence près : un intermédiateur est sourd.
Regardez-moi bien quand vous posez vos questions, je peux lire sur les lèvres pour m’aider. » Comme le dit Lucie Wetzel, ce n’est parce qu’elle est « sourde depuis la naissance (surdité prélinguale, NDLR) que je ne peux pas communiquer. » Âgée de 41 ans et maman de deux enfants, celle qui est la présidente de l’antenne chalonnaise de l’Association pour la promotion de la langue des signes (APLS) est bien loin de l’enfant de 3 ans que son institutrice jugeait « inapte à la vie scolaire ». Aujourd’hui monitrice en langue des signes, elle réalise, à titre bénévole, de l’intermédiation afin de « conserver les acquis de mon diplôme d’État d’éducatrice spécialisée » car il n’existe « pas de diplôme d’intermédiateur » et ce problème est un des combats de Lucie Wetzel.
Il y a l’interprète et il y a l’intermédiateur
Mais d’abord, c’est quoi un intermédiateur ? « Contrairement à l’interprète qui traduit de manière neutre les phrases entre un sourd et un entendant, l’intermédiateur est sourd et donc peut plus facilement faire le lien entre le sourd et son interlocuteur », explique celle qui aide des sourds français ou étrangers à se faire comprendre dans leurs démarches administratives (permis, recherche d’appartement, médecin, etc.).
« Le langage des signes, ce n’est pas une langue universelle mais plutôt interrégionale, internationale. Il y a des nuances et quand on est sourd on les saisit plus facilement et puis il y a des messages que le corps donne », poursuit Lucie Wetzel. Pour elle, il existe une « culture sourde ». « Un sourd est très direct quand il s’exprime, car il le fait avec le corps et l’expression du visage. Par exemple, en langue des signes, vous ne dites pas “se creuser les méninges” mais “réfléchir intensément” » expose-t-elle. Et puis tout simplement : « Quand on est sourd, c’est rassurant de communiquer avec quelqu’un qui l’est aussi ! »
Pour la présidente chalonnaise de l’APLS, créer un diplôme qui reconnaît la profession d’intermédiateur permettrait de « favoriser l’accès à l’emploi pour les sourds via un travail spécifique qui n’empêche pas de collaborer avec un interprète en langue des signes », mais aussi de montrer « qu’on peut le faire ». « Certaines personnes n’arrivent pas à croire qu’en tant que sourd on puisse arriver à faire des études ou avoir notre permis alors que la conduite est à 90 % visuelle. On n’est pas des idiots ! », s’agace Lucie Wetzel pour qui l’un des exemples de ce manque de considération est la création de la licence de médiateur spécifique qui est ouverte à tous. « Avec cette formation mixte, j’ai eu le sentiment que la situation des sourds n’était pas comprise. C’est une forme de discrimination dans l’accès au travail. »