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Bobby Allain (Dijon) : «Pour eux, c’est un super pouvoir !»

Né de parents sourds, le gardien dijonnais refuse d’y voir un handicap et préfère, au contraire, souligner leur formidable capacité d’adaptation.

Il parle doucement, utilise les mots justes, jamais un de trop. Jusqu’à ses cinq ans, le gardien de Dijon Bobby Allain, né de parents sourds, n’a pas parlé, habitué à ce monde de silence où il se sentait bien. Aujourd’hui, il maîtrise quatre langues : le français, l’anglais (sa mère, écossaise, l’a appelé Bobby en hommage à Bobby Ewing, personnage de la série Dallas), la British Sign Language (BSL) et la Langue des signes française (LSF). Dans la vidéo qui le présente au stade Gaston-Gérard, avant le coup d’envoi, il fait un signe avec trois doigts qui signifie « I Love You » dans la langue des signes américaine : « C’est un message de paix. »

«Quand on vous a contacté, la première fois, pour évoquer le langage des signes, rapidement vous nous avez repris pour expliquer qu’on dit la “langue des signes “…

Parce que c’est une langue parmi tant d’autres, différente selon les pays. Les gens pensent qu’il n’y en a qu’une seule, comme si on disait : le français est la seule dans le monde. C’est blessant pour les sourds et malentendants qui se sont battus pour qu’elle soit reconnue (en 2005 en France). C’est comme le concept sourd et muet, il ne faut pas associer les deux. Mon père parle comme vous et moi, ma mère le peut mais… Il y a deux courants : ceux qui veulent parler et ceux qui ne le veulent pas. Un peu comme la droite et la gauche en politique, c’est assez drôle.

Enfant, comment communiquiez-vous avec vos parents ?

De la mémé maniéré que vous avez appris à parler. Mes parents me faisaient des signes et, pour moi, tout le monde communiquait ainsi. À l’ecole, je me comportais comme un sourd, et les profs disaient à mes parents : “Mais il est sourd votre fils !” Alors que je ne voulais juste pas parler, je détestais ça. Les profs me prenaient pour un extraterrestre.J’ai commence a m’exprimer a cinq ans quand mon frère a pleuré parce que je ne lui parlais pas.

Comment VOUS encourageaient- ils sur le terrain ?

Comme un parent qui dit “Allez ! allez !“mais par les gestes. Il faut juste les regarder. C’est déjà arrivé que mon père, alors qu’on échangeait des conseils de loin, me dise : “Attention, ça arrive vite !” À Dijon, quand ils sont dans la loge familiale, je peux savoir s’ils sont contents ou pas, par des signes. Les gens doivent se dire : il est bizarre, il fait plein de gestes. ( Rires.)

Qu’est- ce qui blesse les sourds et malentendants ?

Penser que c’est un handicap alors que pour eux, c’est un super pouvoir ! Ils développent d’autres sens comme la vue, les vibrations, c’est incroyable. Les appareillages, par exemple, je ne suis pas pour car on n’a pas ça dans ma famille. Mon père en a un qu’il n’utilise presque pas. Mes parents sont très heureux comme ça. Avec ma copine, on est d’accord, notre enfant, s’il est sourd, n’aura pas d’implant oud’appareil car ce n’est pas un handicap. Il existe une langue que j ’ai la chance de maîtriser, ma copine aussi. D’autres avant elle avaient promis de l’apprendre mais c’est la première à le faire. { Rires.) C’est formidable car c’est très dur au niveau de la souplesse des doigts, de l’expression faciale, et cette langue a son propre alphabet.

Avez- vous souffert du regard des autres ?

Oui, il y avait des moqueries , les enfants sont cruels. Au début, on se défend puis on se met à pleurer car on ne comprend pas pourquoi on est les seuls à avoir des parents sourds. C’est devenu un avantage à partir du lycée, avec les filles, car j’avais une histoire originale. ( Sourire.) Un père français, une mère écossaise, tous les deux sourds, pour moi tout le monde était comme ça, c’était banal… J’ai compris que ce n’était pas cas en rencontrant les parents d ma première copine.

Comment ce contexte silencieux vous a- t- il influencé ?

Mon côté calme, peut- être, tranquille. C’est apaisant le silence, la langue des signes. Quand je vais chez les gens, c est vrai, je trouve ça bruyant.

Et sur le plan du football, avez- vous développé d ‘autres facultés ?

C*est ce que je pensais petit. La vision, par exemple. Mon père me faisait voir des choses avant qu’elles n’arrivent. Il avait un super pouvoir à mes yeux et j’essayais d’ avoir la même anticipation. Comme les footballeurs sourds ne peuvent passe dire “Ça vient !”, “T’es seul“, il leur faut toujours anticiper où sont les adversaires c’est très fluide chez eux. Cela m aide beaucoup, et 1 anticipation est devenue un de mes points forts, la vision aussi. Et puis, les sourds sont plus roublards, malins

( Rires.) Dans les tirages de maillots, cela ne se voit pas, ils sont trop forts.

Vivez- vous aussi votre carrière comme une revanche ?

Ne pas être passé par un centre de fonnation parce qu’on me trouvait trop petit m’a donné la niaque mais je ne me pose pas la question de savoir si cela aurait été différent avec une famille entendante. En y pensant… Mon père, qui a été attaquant en Division3, a été freiné par son“handicap ». Son rêve, c’était de jouer en L1, il le vit à travers moi, il m’a donné son côté compétiteur, bosseur. Il m’a toujours dit : “Toi, tu vas réussir car tu as la chance d’être entendant. »

Pourquoi ne peut- on pas de-venir professionnel quand on est sourd ?

Oui, pourquoi ? C’est bête. Si le joueur est bon, il est bon. Combien de joueurs sourds ont évolué au ni-veau professionnel ? Il y a dix ans, un sourd avait réussi en Allemagne, en Division3.

Peut-être pour des raisons de communication sur le terrain ?

C’est peut- être un frein. Il faudrait apprendre la langue des signes ou faire appel à un traducteur…

Ce que les clubs profession-nels font avec les joueurs étrangers…

Bizarrement, oui. ( Sourire.) C’est un long débat. Les parents mettent leur enfant sourd dans un club d’entendants, et le problème, c’est qu’il est vite esseulé, il ne peut pas communiquer. et ne veut plus y re-tourner. Mon père ( Brice Allain est directeur sportif de la commission fédérale de football des sourds) intervient dans ce cadre pour dire aux clubs de les diriger vers des sections pour les sourds qui disputent un Championnat de France. Mais tout en leur conseillant de prendre deux licences pour progresser.

Vos coéquipiers connaissent-ils votre histoire ?

Avant, je le disais puis j’ai trouvé ça inutile. Ils le découvrent par eux-mêmes, d’autres, comme Naïm ( Sliti, avec qui il a joué au Red Star), le savent depuis longtemps et in-forment les collègues. Au début, ils ne savent pas comment se compor-ter. L’autre jour, Valentin Rosier a vu mon père et il m’a dit : « Mais il entend ! Il parle normalement ! » Rires.) »

« C’est apaisant le silence, la langue des signes. Quand „ je vais chez les gens, c’est vrai, je trouve ça bruyant.

Source https://www.lequipe.fr - 1 Février 2019
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