C’est un lieu unique en France et rare en Europe, une scène où l’on s’exprime en langue des signes. Une scène chaleureuse et animée dont le public est constitué pour l’essentiel de sourds, mais pas exclusivement. Ce lieu, c’est l’International Visual Theatre (IVT) situé dans une charmante impasse du 9e arrondissement de Paris. Il fête ses 40 ans ces jours-ci.
Un lieu unique en France
Né d’une rencontre
“Jean Grémion travaillait déjà sur le travail gestuel et à travers Corrado, il découvre ce véritable langage, la langue des signes. Tous deux décident de travailler ensemble à un projet européen et fondent l’IVT. Le ministère de la Culture les autorise alors à s’installer au Château de Vincennes, qui était complètement abandonné”, raconte Emmanuelle Laborit, dont les propos en langue des signes sont traduits par un interprète.Aujourd’hui, l’IVT présente quelque 90 représentations sur l’année. Six spectacles sont cette saison des créations originales bilingues, en langue des signes et en français parlé, et sept sont des spectacles visuels (mime, marionnettes, théâtre d’ombres, danse …).
La journée, le théâtre est une ruche avec des cours, qui accueillent un millier d’élèves chaque année. Le soir, sont organisés des ateliers de théâtre en LSF, créés pour la première fois en 1978 et où Emmanuelle Laborit elle-même a fait ses premières classes à l’âge de 7 ans.
Les sourds aussi ont besoin d’être convaincus
Pour Emmanuelle Laborit, beaucoup reste à faire
La fille du psychanalyste Jacques Laborit et petite-fille du scientifique Henri Laborit a eu la chance d’apprendre précocement à la langue des signes, qu’elle exécute à toute vitesse. Devenue l’emblème de la culture sourde, récompensé d’un Molière en 1993 pour son rôle dans la pièce “Les enfants du silence”, elle mène le combat pour la culture sourde tout en prônant l’ouverture.
“La France est très en retard”, estime-t-elle. “Aux Etats-Unis, la langue des signes américaine est la troisième langue nationale. Il y a des interprètes partout, tout est sous-titré systématiquement, ils ont des universités pour des élèves sourds, en France il n’y en a pas. (…) Aux Etats-Unis existent aussi des centres-relais : c’est un service d’interprètes 24h sur 24.”
Quant à “la culture sourde”, “elle est très fragile”, analyse-t-elle, “parce qu’il n’y a pas de lieu d’accueil pour les spectacles. Il faut savoir qu’en France, on est un lieu unique.”