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Sourds et dingues de concerts

Etre sourd et aimer la musique, ce n’est pas forcément un paradoxe. Il y a bien sûr la langue des signes mais d’autres adaptations sont possibles.

EnquêteParmi la foule venue voir les artistes de Couleur café 2012, à Bruxelles, se trouvent quelques spectateurs non incommodés par les décibels. Au contraire, Alice, 20 ans et sourde de naissance, préfère s’installer au pied des baffles. « C’est mieux comme ça. Même si je ne saisis pas les paroles, je ressens les vibrations et je danse. » C’est une grande habituée puisqu’elle va voir des concerts depuis l’âge de huit ans. « Je préfère les festivals où il y a des chanteurs dont j’ai appris les paroles. Quand Bénabar est passé à Couleur café, il y a trois ans, je connaissais quelques chansons de lui par cœur. C’était trop bien !« Au Festival de Dour, Frankie, jeune sourd montois de 23 ans, ne rate pas une miette du concert d’Ill Niño, groupe de métal américain. « J’adore l’ambiance parce qu’au-delà de la musique, cela crée un rassemblement de jeunes, des liens sociaux. En plus, en plein concert, les gens crient pour se faire comprendre. Moi, je n’ai qu’à mimer comme d’habitude, c’est plus simple. On me comprend parfois mieux que les entendants ! »

 

Que ce soit à Couleur café, à Dour ou aux Francofolies de Spa, ces personnes sourdes viennent aux festivals pour partager leur plaisir des concerts. Alice et Frankie sont tous les deux sourds profonds et ont reçu un implant électronique par voie chirurgicale leur donnant malgré tout un certain niveau d’audition. Ils discernent la plupart des sons, mais pour entendre la musique, ce n’est pas toujours évident. Les basses et la mélodie restent perceptibles, les paroles demeurent une énigme. En général, les chansons qui pulsent ont plus de succès, car les vibrations sont plus fortes. « Je préfère le métal, le punk, comme Metallica, Korn, parce que ça déchire et qu’on entend beaucoup mieux !« , s’exclame Frankie.

Alexandre, malentendant, étudiant en droit à Liège, est d’accord avec lui. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il s’est mis à la batterie à l’âge de 14 ans. « J’ ai découvert le groupe de rock U2 ; j’étais hyper fan. Le titre « Sunday Bloody Sunday » m’a donné envie de suivre des cours de batterie. » Depuis, il a joué dans plusieurs groupes de musique. « Le fait que je sois malentendant n’a jamais posé problème. Au contraire, les autres musiciens sont plutôt curieux. »

 

Musique et surdité ne sont donc pas incompatibles. D’ailleurs, sur la scène des Francofolies, des interprètes en langue des signes traduisent certains concerts. Cindy Barate travaille comme aide à la communication pour le festival de LaSemo. Elle ne se considère pas comme une interprète officielle. Comédienne et chanteuse dans un groupe amateur, elle utilise cette aisance sur scène. « Quand je traduis, il n’y a pas que mes mains, il y a tout mon corps. Comme je suis artiste, je n’agis pas comme une interprète classique. Il faut faire passer la musique par le mouvement, l’énergie que tu dégages. Ce n’est pas de la danse, même si d’un point de vue extérieur, on peut le percevoir de cette façon. C’est plus de l’expression, du rythme corporel. »

Cindy est la seule traductrice pour les trois jours de festival. « C’est beaucoup de travail pour un concert. Il faut compter deux/trois heures par chanson, un peu plus si c’est en anglais. » La traduction prend du temps à la jeune femme qui exerce le métier d’institutrice pour enfants sourds. Elle ne peut donc pas assurer tous les concerts. « Il y a vraiment une pénurie d’interprètes. J’ai été recrutée par le festival LaSemo car ils ne trouvaient personne d’autre. »

Seulement 40 personnes en Belgique exercent ce métier, dont une quinzaine en Wallonie. A côté de cela, le statut d’aide à la communication n’est pas reconnu.

 

Autre problème, lors de leur prestation, certains artistes ne sont pas au courant de la présence d’un interprète en langue des signes. Philippe Harmegnies, président de Passe muraille, une ASBL qui promeut l’accessibilité des handicapés, se rappelle. « L’année dernière, aux Francofolies, Christophe Maé ne savait apparemment pas qu’il y avait une interprète sur scène. Il a vu quelqu’un sur la gauche, qui signait. Visiblement, il était surpris et il l’a dit clairement en public. Le producteur avait sûrement dit oui sans lui en parler. »

Le responsable de l’ASBL semble très sceptique vis-à-vis des mesures prises par les festivals. Pour lui, ce n’est qu’une légère avancée. « Bien sûr, toute initiative qui va dans ce sens-là est intéressante. Mais on ne va pas au bout de la démarche. Allez sur le site des Francofolies, sur le site du LaSemo, et dites-moi si vous trouvez une traduction gestuelle quelque part ! Ils ne développent pas une communication adaptée alors que c’est un ensemble. Il faut que les personnes sourdes puissent accéder à l’information et soient accueillies en conséquence. Arrêtons d’être consensuels et demandons-nous si ce n’est pas une question de bonne conscience, d’effet de mode. »

 

Il est vrai qu’à part la mise en place d’interprètes pour les grands festivals, la scène belge ne s’ouvre pas vraiment aux personnes sourdes. Des systèmes de boucles d’induction sont tout de même installés dans quelques salles. Au centre culturel d’Auderghem, cet équipement permet aux sourds et malentendants, équipés d’un appareil auditif, de capter le son du micro grâce à un signal électromagnétique.

Cependant, Mattias de Marco, ingénieur du son, explique que la boucle ne marche que pour les pièces de théâtre. « Pour les concerts, c’est plus compliqué. Il faudrait plusieurs ingénieurs du son pour régler le volume et les tons en fonction de la musique. » Contrairement aux salles de théâtre, aucune salle de concert n’a, pour l’instant, mis en place un programme d’accessibilité. Pourtant, les moyens techniques existent, plusieurs groupes tentent de faire partager leur musique aux personnes sourdes.

C’est le cas de Fumuj, un groupe de rock français. A l’entrée de ses concerts, chaque spectateur reçoit un petit boudin en plastique. Dans la salle, deux grandes colonnes gonflables s’imposent face à la scène. Poser sa main dessus permet de ressentir toutes les vibrations ; idem pour les ballons distribués. Pendant le concert, les lumières fusent au rythme des puissantes basses électro/rock du groupe. La batterie s’éclaire à chaque coup. Une vidéo interactive réagit au son en fonction du tempo.

A côté de Pierre, le chanteur, Laëty danse et signe les paroles. Interface de communication depuis dix ans, elle est membre à part entière du groupe. « Avec Fumuj, nous avons réfléchi à comment rendre la musique accessible à tous les sens. » Leurs concerts stimulent la vue, l’ouïe et le toucher. Un exploit technique que les six Français souhaitent partager. « Nous aimerions vraiment démocratiser tout ce système. C’est pourquoi lors d’un prochain festival, Le Jardin du Michel à Nancy, notre dispositif sera mis à la disposition de tous les groupes. Ce n’est pas parce que Fumuj fait de l’électro/rock que cela fonctionne mieux« , explique Christophe Pierrot, le manager du groupe.

Source : http://www.lalibre.be © 31 Juillet 2012 à Belgique

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