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«MES PARENTSONT SOURDS»

TÉMOIGNAGE

Les parents, Assen et Françoise, communiquent par gestes. Leurs deux enfants, Fanny et Paul, se partagent entre la langue des signes et le français.

Premier bébé vaudois de l’année, Paul se porte comme un charme. Tout comme sa sœur, il entend, alors que ses parents souffrent de surdité. Rencontre avec une famille qui mêle sons et gestes.

Fanny trifouille dans ses jouets éparpillés sur le parquet du salon. Et semble ravie de sa trouvaille: une petite boîte en plastique jaune. L’air malicieux, la fillette de 2 ans et demi se dirige vers le landau de son frère, le petit Paul, profondément endormi dans ses couvertures bleues. Au-dessus de ses oreilles, elle appuie sur les touches de son jouet. Des sons aigus s’en échappent. Jusqu’à présent, ses parents, tous deux sourds, n’avaient pas réalisé qu’il était bruyant. C’est là que Monique, la grand-mère, intervient. «Eh bien, voilà ce qui va changer avec l’arrivée de Paul. Un deuxième entendant dans la famille, c’est tout un apprentissage!» explique-t-elle, précisant aux parents que ce jouet jaune n’est pas aussi innocent qu’il en a l’air.

UNE FAMILLE BILINGUE

Le couple Assenov n’entend rien. Françoise depuis l’âge de 2 ans, à cause d’une méningite. Assen depuis sa naissance. La famille qu’ils ont fondée est donc bilingue, en quelque sorte, puisque Fanny, tout comme bientôt son frère, parle le français et la langue des signes. Une situation vécue sereinement, avec bien sûr quelques adaptations à mettre en place. Ainsi, Monique, la grand-mère, qui habite au rez-de-chaussée de cette maison de Glutières, un village au-dessus d’Ollon, vient parfois faire le lien entre le monde des sourds et celui des sons. C’est elle qui a expliqué à Françoise que son bébé venait de pousser son premier cri à la maternité. «Ma fille était derrière un drap, en raison de la césarienne, et ne pouvait donc pas voir le bébé qui arrivait.»

Mais la communication semble bien plus aisée que ce que l’on pourrait imaginer.

Fanny a appris tout naturellement la langue des signes au contact de ses parents. «Elle a saisi en grandissant que nous étions sourds et sait qu’elle doit s’adresser à nous par gestes», explique sa mère. Quant au français, ses grands-parents et son parrain ont toujours été très présents pour parler avec elle. Très vite aussi, dès l’âge de 9 mois, elle est allée au Petit Mousse, une crèche située à Aigle. Puis une éducatrice spécialisée est venue une fois par semaine pendant quelque temps, ce qui a aussi permis à Françoise et Assen d’apprendre deux ou trois astuces pour communiquer avec leur fille avant qu’elle ne maîtrise la langue des signes. «Comme ce tableau avec des dessins représentant les bruits qu’elle pouvait entendre, comme les avions ou des cris d’animaux. Cela lui permettait de partager avec ses parents, en pointant sur le dessin», se souvient la grandmère. Les parents ne ressentent pas non plus de barrière entre eux et leurs enfants. «Lorsqu’elle babille en français, je vois toutes ses émotions. Si elle est heureuse, ou contrariée. C’est ainsi que je rentre dans son monde», explique Françoise, pour qui la surdité n’est de loin pas un obstacle, ni dans sa vie familiale ni dans son métier. Elle travaille d’ailleurs à mi-temps à la Coop, où elle garnit les rayons.

Assen part dans une longue explication, ses mains s’agitent autour de lui avant de se reposer sur son cœur. Le boulanger de 33 ans raconte qu’en effet, au début, il angoissait un peu lorsqu’il ne saisissait pas les désirs de sa fille. «Ça lui faisait mal au cœur, alors il la prenait dans ses bras, et la portait vers chaque armoire, jusqu’à ce que Fanny puisse lui pointer ce qu’elle voulait», traduit la grand-mère.

UN APPAREIL QUI REPÈRE LES CRIS

Aujourd’hui, Fanny possède plus de vocabulaire en français qu’en langue des signes, ce qui n’effraie nullement ses parents. Tous deux estiment normal que leurs enfants se dirigent davantage vers le monde des entendants, comme l’explique la grandmère. «Ils sont aussi rassurés. Au début, je me souviens que Fanny avait peur des bruits, probablement parce qu’elle vivait dans un monde de sourds. Elle ne communiquait pas beaucoup, ni en langue des signes ni en français. Un peu comme si elle voulait être sourde.» Mais aujourd’hui, à 2 ans et demi, le français de cette jolie fillette blonde est épatant. On lui donnerait volontiers 3, voire 4 ans.

Aucune statistique précise n’existe sur le nombre d’enfants entendants nés de parents sourds. Mais, comme l’explique Stéphane Faustinelli, président de la Fédération suisse des sourds, la situation n’est pas rare. «Nonante pour cent des sourds se marient entre eux. Moi-même, je suis dans ce cas.» Ses filles non plus n’ont eu aucune peine à acquérir les deux langues. «C’est exactement comme si des parents ne parlent que l’allemand et vivent à Lausanne. Il ne faut pas se faire de souci pour l’enfant, mais aussi éviter de lui mettre une trop grande pression en lui demandant de tout traduire. Surtout maintenant, avec les moyens technologiques qui existent.» Et d’expliquer que, pour la maison, des appareils sensibles repèrent lorsque l’enfant crie ou pleure et émettent un puissant flash dans les autres pièces afin d’avertir les parents, comme c’est le cas chez Fanny et Paul. Un développement linguistique de l’enfant qui n’est donc nullement prétérité, comme le confirme aussi le professeur Ulrich Frauenfelder, spécialiste en psycholinguistique à l’Université de Genève. «Les langues des signes sont comme les autres langues. Des études sur les enfants entendants de parents sourds démontrent qu’ils deviennent simplement bilingues.» Exposés aux autres enfants, à la télévision, aux autres membres de la famille, ils apprennent naturellement la langue parlée. «La première année est très importante, c’est à ce moment-là que toutes sortes de réglages s’effectuent. Si l’exposition est très faible, cela pourrait engendrer des problè-mes, mais en réalité cela est très rare, il faudrait vraiment que la famille soit très isolée.» Par ailleurs, la langue des signes est très riche et possède une structure très complexe, à l’image des langues parlées. Tous les mots communs et noms propres sont exprimés sans problèmes. En langue des signes, Fanny, par exemple, peut soit s’épeler avec un geste par lettre, soit être exprimé au moyen d’un seul geste. Sa maman le montre: sa main s’éloigne gracieusement de son visage, en suivant la courbe des cils. «On lui a trouvé ce signe il y a environ un an, car tout le monde remarquait ses longs cils.» Paul, lui, aura aussi son «petit nom» lorsqu’il aura développé ses caractéristiques. Françoise ajoute que les prénoms de ses enfants ont été choisis pour leur sonorité facile, car elle et son mari peuvent prononcer quelques sons, s’ils ne comportent pas trop de syllabes. Monique, la grand-mère, rit: «Ma fille ne prononce vraiment pas souvent des mots en français. Sauf quand elle est fâchée! Là, j’entends «Non, ça va pas!» jusque dans mon appartement en bas.»


«J’AI APPRIS LA LANGUE SUR LE TAS»

Daniel Ançay a également grandi avec des parents sourds.

La situation de Paul et Fanny, Daniel Ançay la connaît bien. Cet ancien gardien de but du FC Sion a aussi grandi avec une sœur entendante et des parents sourds. A vrai dire, il ne se rappelle pas «grandchose de particulier». «J’ai appris la langue des signes sur le tas. C’était naturel.» Avec ses parents, il pouvait «parler de tout». «Si je ne connaissais pas le mot, je faisais un détour. Au lieu de dire Rome, je disais: là où habite le pape.» Des astuces sont aussi trouvées pour les dictées, que ses parents ne peuvent lui réciter. «J’avais un petit magnétophone. Les réunions de parents à l’école, les miens n’y allaient pas, mais pour le reste, tout était normal.» Pas moyen non plus d’en «profiter» et d’écouter de la musique à fond dans sa chambre. «Ils ressentaient les vibrations», explique-t-il, dans un éclat de rire. «A mon avis, à force de devoir s’adapter et trouver toutes sortes de combines, les personnes sourdes développent un côté très débrouille.» Il raconte qu’il était surpris, car sa mère se réveillait toujours à temps. «Elle n’avait pas d’alarme, bien sûr. Mais, si un jour je devais me lever à 5 h 30 pour l’école, je ne sais pas comment, mais elle se réveillait pile à l’heure.»

Source : http://www.illustre.ch © 01 Février 2011 à Suisse

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