Reportage. Premier cours de langage des signes pour les élèves du lycée professionnel Robert-Schuman, à Château-Gontier, en Mayenne.
CHÂTEAU-GONTIER. – L’option est obligatoire, comme deuxième langue après l’anglais. « Poussez les tables, disposez les chaises en demi-cercle, face à moi. » Nacéra Benyounes, formatrice en langue des signes, salue ses onze élèves de 1re bac pro. C’est leur premier rendez-vous avec cette discipline. Intimidant.
« La grammaire, c’est le visage »
Nacéra démarre, sans préambule : « Pas de vouvoiement. Chez les sourds, ça n’existe pas. » Et puis : « Il faut vous trouver un pseudo. Quand tu croises un sourd, la première chose qu’il te demande, c’est ‘comment tu t’appelles ·’. Pour lui, votre nom n’est pas Sandrine, Jenny ou Madi… C’est quelque chose qui te caractérise. Souvent physiquement. Par exemple, pour moi… » La jeune femme sourit et, avec trois doigts, attrape ses pommettes rebondies : « Parce que quand je ris, j’ai les joues qui remontent. »
Un à un, les adolescents se présentent alors à leurs camarades, affublés de leurs « prénoms » tout neufs. Prêts à entrer dans le monde du silence. Nacéra en profite pour glisser une nouvelle règle : « La grammaire, c’est le visage. » Pardon ? Se passant la main sur le ventre, l’enseignante illustre ses propos devant les regards inquisiteurs. Grimace, d’abord, puis sourit, exagérément. « Selon l’expression, ça signifie ‘j’ai mal au coeur’ ou ‘je suis contente’. » Attentifs, avançant encore à tâtons, mais sans complexe, les élèves reproduisent exactement les gestes qu’ils découvrent. Puis entament, à tour de rôle, de courtes conversations. Muettes, bien sûr.
Un sans-faute
Une heure a passé, à peine. Lydia et Mylène jouent le jeu. À fond. Elles disent avec des gestes : « Je m’appelle Lydia. Et toi · Moi c’est Mylène. Comment ça va · Bien · Oui, oui. Est-ce que tu es sourde · Non, j’entends. Tu trouves ça difficile la langue des signes · Pas trop, ça va. » C’est un sans-faute. Le reste de la classe remue les mains en l’air. Nacéra, impressionnée, en fait autant : « Bravo, vraiment ! » Les deux jeunes filles rougissent en retournant s’asseoir, mais rayonnent. Elles comprennent mieux la drôle de phrase lâchée en début de cours par leur prof : « La personne sourde n’est pas handicapée, elle a juste un problème de communication. »
Source : http://www.laval.maville.com © – 11/10/2007 à Laval (France)