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La pétition « Ensemble luttons pour le respect des droits de l’Homme Sourd et pour la biodiversité culturelle »

Monsieur le juge et ses 500 enfants
Le secret

« Tais-toi, toi !» Devant le juge, Franck menace son père de la main. Il lui intime de se taire du haut de ses 11 ans. Le père pourtant ne parle jamais. Il est sourd et muet. Comme sa femme. Et il ne sait plus quoi faire avec Franck. Depuis son entrée en sixième, il est insupportable. Il injurie les profs, sèche les cours et accumule les exclusions. Il fait le mur, fume des clopes dans la rue, insulte sa mère. Récemment, il a failli lui mettre un coup de boule. Les parents désemparés demandent son placement.
Franck la terreur, gel dans ses cheveux, porte un bomber. Comme s’il avait besoin d’élargir sa carrure pour porter des secrets de famille qui pèsent trop lourd. Le juge l’a bien compris. Il ne l’interroge pas sur ses absences répétées, son indiscipline, ses gestes de violence. « Franck sait très bien qu’il faut aller à l’école et respecter ses parents, se justifiera-t-il plus tard. L’intérêt d’une audience, c’est d’aller au fond de l’histoire. » Et le fond de l’histoire du petit dur est sombre. Mais il veut bien en parler. D’ailleurs, il décroise les bras, éteint ce regard bravache et laisse les mots sortir tout seuls de sa bouche, bien ordonnés : « Ma mère a quitté mon père à cause de moi. Moi, je dis, quand on part, on revient pas. Mais elle, non, elle continue à faire sa chef. Elle est tout le temps énervée. » Une interprète traduit en langue des signes. « C’est son départ que tu lui fais payer ? » « Oui. » Carole, sa mère, agite les mains à toute vitesse, on comprend qu’elle est exaspérée. Le juge continue : « Tu connais l’histoire de tes parents, de leur enfance ? » « Je sais juste que ma mère me cache un truc. Mes parents m’ont dit que, si je le savais, je ferais des cauchemars. Mais moi, je voudrais savoir. » Pour retenir les larmes qui montent, sa mère sourit. Son père fronce les sourcils. Le juge poursuit : « Si on inventait une autre histoire ? Imaginons. Tes parents s’aimaient ; ils ont essayé de vivre heureux malgré ce secret. Mais ça n’a pas marché. Ce secret revient, il embête tout le monde. Maman est en colère contre la vie, contre elle-même, contre ton père qui n’arrive pas à la consoler. » La mère éclate en sanglots silencieux. Franck regarde en l’air. Le juge n’a pas fini : « Je crois qu’on a traité ta maman comme un objet. Elle a dû subir des violences physiques ou sexuelles. On ne l’a pas respectée. Et toi, en ce moment, tu ne la respectes pas beaucoup. Alors ça fait des étincelles. Si mon histoire est vraie, tu es sauvé, Franck. Parce qu’il est plus facile de grandir avec une maman qui a été victime qu’avec une mère qu’on croit être méchante. Madame, êtes-vous d’accord avec mon histoire ? » Carole opine, mais, avec ses mains, dit son impuissance. Le père de Franck lui ouvre les bras. Il veut y croire. Il articule quelques sons que traduit l’interprète : « Allez, on en parle, après on n’en parle plus et puis… on va à la mer ! » Décision du juge : psychologue, assistante sociale et éducateur feront un bilan approfondi de l’histoire familiale.

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Source : http://hebdo.nouvelobs.com – 22/02/2007 à France

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