Bernard est le père de Jeoffrey, 16 ans, sourd profond. Joël, artiste, est sourd de naissance. Comme Guillaume, le frère de William. Marie-Paule, elle, n’entend plus depuis l’âge de 20 ans. Autant de témoignages tour à tour, et pêle-mêle, douloureux, touchants, souriants ou réconfortants, que l’on a pu entendre hier matin à la maison du Département où se tenait le premier colloque « Ethique et surdité ».Une initiative du Crop (Centre de rééducation de l’ouïe et de la parole) / Institut Paul Bouvier, une association protestante reconnue d’utilité publique depuis près de… 150 ans (1856) et qui « accueille, accompagne, soutient, rééduque et scolarise » actuellement 125 enfants du Gard et des départements limitrophes, atteints de déficience auditive ou de troubles spécifiques du langage. Et ce, à la fois au sein de son établissement spécialisé de Saint-Hippolyte-du-Fort, à Nîmes (à l’école Capouchiné, au collège du Mont-du-Plan et au lycée Philippe-Lamour), ainsi qu’à domicile.
A travers ces témoignages, donc, et les interventions des nombreux spécialistes (orthophoniste, ORL, pédiatre, enseignants, psychiatre…) présents, le Crop a voulu enrichir le débat sur la place des sourds dans notre société. Poser les jalons de « relations plus ouvertes entre sourds et entendants ». Vaste tâche, à laquelle le Crop, justement, contribue en adoptant « la méthode verbotonale, qui permet aux enfants dont la surdité s’est déclarée tôt de réapprendre à parler », explique son président, Alain Salery. Une alternative au langage des signes qui, comme l’a souligné Carmen Rauch, pédiatre au CHU de Marseille, « peut aussi favoriser l’exclusion » entre sourds et entendants.
Mais ce colloque a aussi permis de dresser les carences de la société : dans le Gard, où, selon Jean-Jacques Vial, chargé de mission « Ville et Handicap » à Nîmes, on compterait près de deux mille personnes sourdes, dont la moitié à Nîmes, des familles ne trouvent pasde place en établissement ou ne bénéficient pas d’un service de soutien (45 cas établis par le Crop) ; des écoles dans lesquelles sont scolarisés des enfants sourds ne sont pas épaulées par des services de soins spécialisés ; de jeunes adultes sourds éprouvent de grandes difficultés à trouver du travail ; les hôpitaux et les administrations ne sont pas toujours attentifs ; et le manque d’interprètes n’aide pas les associations face aux pouvoirs publics. Bref, il y a encore beaucoup à faire pour que les sourds se fassent vraiment entendre.
Un article lu : Midi-Libre – 25/04/2004