Clémence Robat et Jérémy Matusiak sont arrivés en juin dans le village. Ils vivent normalement, mais ont fait le choix de ne communiquer que via la langue des signes
L’histoire
En arrivant au rendez-vous, d’un geste machinal le visiteur appuie sur la sonnette, mais les habitants du pavillon ne peuvent pas l’entendre. Un chien aboie alors, et c’est son agitation qui signale cette présence aux propriétaires.
Clémence et Jérémy forment un jeune couple qui ne communique qu’avec la langue des signes française (LSF), autrement dit, ce qu’on appelle couramment la « langue des signes ». « C’est un choix, affirme Clémence, car, pour moi c’est ma première langue, et le français ma seconde. »
La jeune femme était auparavant intégrée dans un établissement scolaire où elle utilisait, à l’aide d’une codeuse, le langage parlé complété (LPC), un système centré sur la lecture des mouvements des lèvres du locuteur. « C’était très fatigant, maintenant j’ai tout oublié du LPC », confie Clémence.
La jeune femme a aussi appris à utiliser la voix, mais elle articule mal du fait de son audition, donc il lui est compliqué de se faire comprendre. En outre, elle ne maîtrise pas la force du son qu’elle émet : « Un jour, ma mère, dans un magasin s’était éloignée, j’ai voulu l’appeler et j’ai hurlé, c’était gênant ».
Ses parents ont voulu tenter un implant cochléaire, un petit appareil chargé d’amplifier le signal sonore reçu par l’oreille. Mais Clémence n’entendait que des bruits désagréables. « C’est vraiment avec la langue des signes que je me suis épanouie », explique-t-elle.
Une vie bien organisée
La jeune femme de 27 ans a suivi des études de prothésiste dentaire, mais a préféré devenir enseignante en LSF dans une association. Jérémy, son compagnon, a 29 ans, est lui aussi adepte de ce mode de communication : « Nous sommes sourds, c’est comme cela. Dans nos familles, tout le monde est entendant, mais ils connaissent aussi la langue des signes. »
Jérémy a été scolarisé au Crop, le Centre ressource de l’ouïe et de la parole, un institut spécialisé dans l’accueil des jeunes sourds, puis a suivi une formation de menuisier. Le syndrome d’Usher, dont il est atteint, lui provoque des troubles visuels importants qui compliquent encore davantage sa recherche de travail. « Je m’occupe de la maison, la cuisine, le ménage, le jardin et je fais du sport » confie-t-il.
Tous les deux ont également fréquenté l’Institut national des jeunes sourds à Paris, mais c’est chez des amis communs qu’ils se sont connus. Ils ont quelques relations avec leurs voisins, mais beaucoup de leurs amis sont sourds. « C’est plus simple d’être avec des personnes qui signent », c’est-à-dire des interlocuteurs qui utilisent le langage des signes, reconnaît Jérémy.
Leurs deux chiens, Bobby, qui est sourd lui aussi, et Igloo, se sont adaptés. Démonstration à l’appui. Clémence leur ordonne de s’asseoir en signant. Et ceux-ci obtempèrent instantanément.
Un accueil aléatoire
Dans la vie de tous les jours, c’est le manque d’interprètes dans les services publics qui leur pose le plus de problèmes, notamment à l’hôpital « Les rendez-vous médicaux sont très lourds pour nous », confie le couple.
Ils ont une subvention mensuelle par l’intermédiaire de la Maison départementale des personnes handicapées pour pouvoir faire appel à des interprètes.
Mais celle-ci se révèle insuffisante, car cette prestation coûte 60 € par heure.
« Par contre, à la mairie du village, on est très bien reçus. Les secrétaires font beaucoup d’efforts pour communiquer avec nous », assure Jérémy. Loin de se lamenter, les deux jeunes gens organisent leur vie avec leur handicap commun.
Leur prochain équipement sera un avertisseur lumineux de quatre couleurs relié à la sonnette, au téléphone, au détecteur d’incendie et au babyphone. De quoi leur permettre de se sentir rassurés.
Aujourd’hui, Clémence est enceinte. Donc, comme tous les futurs parents, le jeune couple se prépare pour accueillir le futur bébé.