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« Je suis sourde. Et fière de l’être »

Salomé Gerber, 22 ans

«Ca va. Je ne suis pas malheureuse, ni heureuse, mais normale. Je suis née sourde. Je suis la seule à ne pas entendre dans ma famille. Mais mes parents, mon petit frère et ma grande soeur parlent la langue des signes. C’est mon père qui est allé prendre des cours chez des professionnels, dans le canton du Jura et qui nous l’a enseignée. Je le remercie d’avoir entrepris cette démarche pour s’adapter à moi. Ce fut une découverte fantastique. C’est ma langue maternelle. Je peux exprimer mes sentiments les plus profonds, toutes les nuances aussi. Il n’y a pas de limites à cette richesse. Avec mes amis sourds, nous nous amusons à inventer des signes pour des termes qui en sont dépourvus et nous y ajoutons une touche d’humour. A mes yeux, la langue des signes est plus riche que le français. J’ai beaucoup d’amis sourds dont les parents n’ont pas appris cette langue. La communication avec leur enfant est nulle. Il y a 4 niveaux de surdité: légère, moyenne, sévère et profonde. Je souffre de surdité sévère. Par exemple, si quelqu’un hurle, je n’entends qu’un son très atténué. Mon oreille droite est morte, je ne sais donc pas d’où viennent les sons, mais je suis capable de les reconnaître. Je n’ai jamais voulu prendre le risque d’être opérée. J‘arrive à lire sur les lèvres et j’ai un appareil qui me permet de mieux entendre. Sans lui, les sons de moins de 95 décibels (db) sont inaudibles. Mais si j’en porte un, j’arrive à entendre des sons de 40 db. Une audition normale commence à 0 db. »

J’ai commencé le jardin d’enfants avec des entendants, à Bienne, puis de 7 à 18 ans, j’ai suivi une école pour sourds à Fribourg. J’y allais en taxi, puis en train à l’adolescence. Une telle école s’adapte au niveau des élèves, ce qui n’est pas forcément une bonne chose. Le niveau y était inférieur à celui d’un établissement scolaire standard. Personnellement, j’aurais aimé être plus stimulée. Par exemple, je n’ai jamais eu l’occasion de suivre des cours d’allemand. J’ai appris cette langue à 16 ans, grâce à des rencontres avec d’autres sourds qui s’expriment en allemand. C’est à 14 ans que j’ai commencé, parallèlement, à suivre des leçons dans une classe avec des entendants. J’étais complètement isolée et j’ai essuyé beaucoup de moqueries. Les autres élèves n’étaient pas sympas avec moi. Ils n’ont pas fait l’effort d’apprendre à me connaître et quand il se passait un truc moche, un vol par exemple, ils m’accusaient. C’était facile, car je ne pouvais pas me défendre. Ce fut une période de grande souffrance. Il y avait toujours des bagarres et des conflits. Mais j’avais de bonnes notes. Une personne, engagée spécialement pour moi, m’aidait à suivre l’enseignement et à prendre des notes. Le problème, c’est qu’elle ne travaillait pas comme une interprète et ne me donnait pas toutes les informations. Je l’ai compris plus tard, à 17 ans, lorsque pour la première fois, j’ai eu affaire à une interprète dans le milieu scolaire, comme la personne qui traduit mes propos aujourd’hui, pour cette interview. A 18 ans, j’ai fini l’école obligatoire.

Puis je me suis lancée dans un apprentissage de carrossier. J’ai d’abord passé une année au Repuis à Yverdon, puis j’ai été engagée dans une entreprise au Landeron. J’ai arrêté au bout de 2 ans, à cause de problèmes de santé: j’avais mal à la tête et je me sentais très faible. On début, on pensait que c’était à cause des produits utilisés dans le garage. Mon médecin m’a expliqué que le stress me fatigue très vite et provoque toutes sortes de symptômes. J’ai arrêté de travailler le 1 er novembre 2012. Ce fut très dur pour moi, car j’étais passionnée par ce que je faisais.

Mon avenir? Pour le moment, je n’ai aucune idée. J’aime beaucoup tout ce qui est social. Pourquoi ne pas m’orienter dans cette direction-là? Petite, j’aurais aimé être policière. Mais c’est impossible. Je suis en attente d’une décision de l’AI pour toucher une rente. J’ai tout de même commencé une petite activité, qui est un peu liée à la peinture: j’ai pris des cours pour travailler comme styliste ongulaire. J’ai 2 certificats et quelques clientes. Le plus souvent, je travaille avec de faux ongles et un gel spécial.

Je n’aime pas trop rester à la maison, alors je sors et je rencontre des gens. Mais j’ai très peu de contacts avec les entendants. J’ai gardé mes amis d’enfance, rencontrés à l’école de Fribourg, et je passe beaucoup de temps avec d’autres sourds de Suisse. Nous sommes tout le temps en route pour nous rencontrer, car nous habitons loin les uns des autres. J’utilise également beaucoup WhatsApp, Facebook et Skype. Voir son interlocuteur sur un écran d’ordinateur est très pratique pour communiquer avec d’autres sourds qui vivent en Europe. Je parle également la langue des signes américaine; c’est une tante qui a vécu aux Etats-Unis qui me l’a enseignée. Je suis responsable de la section football -un sport que je pratique depuis que je suis toute petite- de la Société des Sourds du Valais. Nous essayons de nous entraîner 2 fois par mois, à Yverdon. Nous venons de toute la Suisse romande, nous avons donc choisi une ville à mi-chemin. J’ai appris la lange des signes alémaniques grâce au football et tous les tournois auxquels j’ai participé.

Je suis fière d’être sourde. Je n’ai aucun problème par rapport à ça. Au moins, j’ai le sommeil profond…Nous les sourds, nous pouvons faire les mêmes choses que les entendants. Il ne faut pas avoir peur de nous. Il m’arrive que des gens, dans la rue, m’adressent la parole, lorsque je n’ai pas mes appareils. Ils me regardent alors bizarrement et s’en vont. Lorsque je vais dans un magasin, je passe par l’écrit pour me faire comprendre. Parfois la vendeuse va chercher une collègue, comme si cette dernière allait mieux savoir comment agir. Un jour, à la poste, une employée s’est mise à me parler extrêmement fort. Mais cela ne sert à rien. Il ne faut pas nous parler plus fort, ni « surarticuler ». Il suffit de faire des phrases courtes et de ne pas parler trop rapidement. Et l’on se comprendra… »

Source : http://www.hebdo.ch © 13 Mai à Suisse

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