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Le film de l’affaire Murphy

Comment la Congrégation pour la doctrine de la foi a-t-elle discerné pour finalement renoncer à destituer le prêtre américain, vingt ans après ses exactions? Zoom sur des tergiversations de plus de deux ans.

D’après les courriers échangés par les autorités américaines et le Vatican entre 1996 et 1998, obtenus par le New York Times.

1974. Suite à des plaintes pour abus sexuel, les autorités civiles enquêtent contre le père Murphy, qui officie dans un institut de jeunes sourds à Milwaukee, dans le Wisconsin (Etats Unis). La justice ne donne pas suite mais l’évêque de Milwaukee engage Murphy à démissionner. Celui-ci intègre alors Superior, un autre diocèse du Wisconsin : il ne se voit pas retirer la possibilité d’exercer son ministère, mais on ne lui confie pas de charge pastorale. Cependant, il continue de rentrer en contact avec des enfants et des adolescents dans les paroisses, ou, parce qu’il connaît la langue des signes, auprès des sourds.

1995. D’anciens élèves de St John’s School portent plainte contre Murphy. Le nouvel archevêque de Milwaukee, Rembert G. Weakland, découvre ainsi qu’un ancien prêtre de son diocèse est accusé d’abus sexuels qui pourraient être aggravés par la circonstance exceptionnelle de « sollicitation au confessionnal ». Il lance une enquête.
La difficile mise en route d’une procédure

Le 17 juillet 1996. Weakland écrit au Cardinal Ratzinger pour lui demander la procédure à suivre, puisque les procédures canoniques pour « sollicitation au confessional » sont du ressort de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Sa préoccupation : non pas seulement faire justice, mais surtout permettre à l’Eglise d’apporter une réponse satisfaisante et apaisante à la communauté sourde.

Le 10 décembre 1996. Le diocèse de Milwaukee lance une enquête canonique à l’encontre de Murphy pour les faits de sollicitation au confessional, de viol indirect du secret de la confession à des fins d’obtenir des faveurs auprès d’autres pénitents, d’agression sexuelle sur des mineurs de moins de 16 ans. Le prévenu encourt la réduction à l’état laïc.

Février 1996. Les délais de prescription prévus par les différents codes canoniques étant largement dépassés, le juge projette de demander une dérogation au Vatican. La demande est faite par le biais du nonce apostolique à Washington. Dans le nouveau diocèse de Superior, le prêtre continuerait de rentrer en contact avec des jeunes sourds en participant à leurs messes et retraites, en dépit de l’interdiction posée par l’évêque.

10 mars 1997. Expliquant n’avoir eu aucune réponse du cardinal Ratzinger, l’archevêque Weakland écrit au préfet du tribunal suprême de la signature apostolique, par l’intermédiaire du nonce apostolique pour lui demander une dérogation permettant de poursuivre le procès. « Ma question, c’est de savoir comment l’Eglise peut rendre justice, quand elle n’a pu le faire administrativement parce que les pénitents, au moment des faits ou juste après, étaient physiquement incapables d’en faire état, étant dépourvu du vocabulaire et des aptitudes nécessaires à l’expression de leur traumatisme psychologique. » Il précise aussi que des poursuites judiciaires sont envisagées par les plaignants, et que le scandale menace dans la communauté sourde.

24 mars 1997. Tarcisio Bertone, secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi, fait enfin parvenir une réponse à Weakland. Il lui demande effectivement de mettre en place un procès disciplinaire, conformément à l’instruction secrète de 1962 sur la conduite à tenir en cas de « sollicitation en confession ». Quinze jours plus tard, la signature apostolique confirme qu’elle est incompétente pour juger en ces matières.

14 mai 1997. Weakland prend acte de la demande de Bertone, et lui confirme qu’il va tenir le procès en dépit du dépassement des délais de prescription.

10 juin 1997. L’ancien chapelain des sourds de Chicago fait parvenir son témoignage à l’instruction : Dans les années cinquante, il entend plusieurs enfants suggérer que le père Murphy vient les voir le soir au dortoir pour leur demander de venir se confesser dans sa chambre. L’évêque de l’époque est alerté et éloigne Murphy quelques temps avant de le réintroduire dans l’institution. De jeunes sourds continueront de se manifester en faisant passer un article dans un journal de la communauté malentendante, en déposant des prospectus accusatoires sur les pare-brises lors de réunions du clergé. Sûr que Murphy continue d’agresser les enfants, et ayant des soupçons quand à la confession, le chapelain avertit les autorités diocésaines qui décident alors de changer Murphy de diocèse. Il avertit également le délégué apostolique à Washington. Il n’a plus eu de nouvelles de Murphy depuis les années soixante-dix.

6 janvier 1998. Les autorités de Superior, diocèse où Murphy réside désormais, prennent l’affaire sous leur juridiction, le juge commis restant celui du diocèse de Milwaukee. Le procès est ouvert.
Le tournant

12 janvier 1998. Lawrence Murphy adresse au cardinal Ratzinger en personne une lettre où il explique sa situation et demande à ce que sa citation devant la justice ecclésiastique soit déclarée invalide, en raison du délai de prescription. Il ajoute qu’il a 72 ans et que sa santé est fragile, car il vient de subir une nouvelle attaque cardiaque, qu’il s’est repenti et n’a pas commis de nouvelle agression depuis sa mutation. « Je veux simplement vivre le temps qu’il me reste dans la dignité de ma condition sacerdotale », ajoute-t-il.

6 avril 1998. Tarcisio Bertone écrit à l’évêque de Superior, Raphael Fliss, pour affirmer que le délai de prescription ne fixe pas un terme à l’action pénale car il a pour but d’amener le pénitent à dénoncer le prêtre dont il a été victime à la justice de l’Eglise. En revanche, il lui signale que, selon le code de droit canonique, un évêque ne doit initier une procédure judiciaire que « s’il s’est d’abord assuré que la correction fraternelle, la réprimande, et autres outils de la diligence pastorale ne peuvent permettre de façon satisfaisante de réparer le scandale, de rendre la justice et de remettre le coupable sur le droit chemin ».

13 mai 1998. Réponse à Bertone de l’évêque de Superior : « Je juge que tous les moyens pastoraux qu’il était raisonnable d’utiliser ont été épuisés. J’en conclus que le scandale ne peut pas être réparé de façon satisfaisante, ni la justice suffisamment rendue, sans un procès judiciaire contre le père Murphy. Le scandale et le sentiment d’injustice qui s’est répandu à travers la communauté sourde catholique sont d’une telle ampleur qu’ils exigent que justice soit soigneusement rendue dans une situation si tragique. »

13 juillet 1998. Tarcisio Bertone a reçu à Rome les deux évêques américains. Il espère que Murphy « coopérera dans la solution choisie, dans cette douloureuse affaire, pour favoriser le bien des âmes et en évitant le scandale ».
Synthèse des échanges :
– Les évêques américains rappellent que la communauté sourde ne peut plus avoir de procès civil étant donné l’ancienneté des faits, et exige la destitution du prêtre, s’opposant à toute solution de type pastoral. Elle demande réparation financière pour les victimes et ne veut pas que Murphy puisse être enterré comme prêtre.
– Bertone fait valoir qu’il n’y a pas assez d’éléments pour nourrir un procès canonique, et qu’il n’y a pas eu de plaintes contre Murphy depuis qu’il a changé de diocèse. Il estime qu’il est difficile de prouver qu’il y a strico sensu délit de sollicitation dans la confession, et difficile pour les sourd-muets « de fournir des preuves et des témoignages sans aggraver les faits, compte tenu de leur handicap et du temps qui s’est écoulé ». Néanmoins, il décide qu’il faut faire interdire à Murphy de continuer à célébrer auprès de la communauté sourde, et qu’il faut obtenir de lui repentance et réformation. Il devra en donner des signes clairs, auprès d’un directeur spirituel qui y veille.

19 août 1998. L’évêque de Weakland confirme à Bertone qu’il a interrompu le procès canonique et qu’il va essayer de lancer une procédure administrative pour retirer au prêtre ses charges sacerdotales. Il va lui demander d’écrire une lettre aux victimes « en s’assurant qu’il n’est pas fait référence au sacrement de la confession », et préparer des funérailles qui puissent satisfaire tant sa famille que la communauté sourde. Le diocèse paiera les frais de justice des victimes.

2 septembre 1998. L’évêque de Weakland informe Bertone que Murphy vient de mourir, mais que la famille n’a pas consenti à un enterrement privé : le prêtre défunt a été présenté dans ses habits ecclésiastiques. La communauté sourde était présente et a entendu vanter les mérites du défunt, même s’il y a eu « certaines ombres sur son ministère « . « En dépit de ces difficultés, nous espérons pouvoir éviter toute publicité excessive qui nuirait à l’Eglise », conclut-il.

28 septembre 1998. Bertone accuse réception et déclare l’affaire du cas de sollicitation en confession close, en espérant qu’il n’y aura pas de publicité défavorable à l’Eglise.

Source : http://www.lavie.fr Photo : New York Times © 29 Mars 2010 à U.S.A.

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